Vous ne trouverez pas poissons plus frais. Tous les matins, quai de la Colonne à Calais, quelques aubettes proposent la pêche du jour. Qui, en réalité, est plutôt de la nuit.
Début de printemps, ciel bas, vent pinçant. Le Mirlou, un fileyeur-caseyeur de 11,96 mètres de long accoste quai de la Colonne. À bord, on devine la large carrure de Josse Martin. Depuis sa cabine, le marin veille sur ses ouailles. Une équipe de trois gaillards qui, comme lui, ont pris le large quand le Tout-Calais dormait à poings fermés. Aujourd’hui, pas de poissons dans les cales mais 600 kilos de bulots « à décharger au plus vite, indique Josse. La fraîcheur est notre priorité. » La grande majorité des mollusques sera vendue à la criée de Boulogne-sur-Mer. Mais quelques bacs seront mis à disposition d’une irréductible clientèle attachée aux aubettes comme une aussière¹ à l’anneau d’amarrage.
Les pieds dans l’eau
« On ne peut pas plus direct. La mer est à dix mètres. » Dans son aubette – sorte de stand couvert d’à peine 10 m² – Aurélie a le sourire malgré une clientèle qui, avec le froid, tarde à montrer le bout du nez. Pourtant, ses étals sont alléchants. A côté des magnifiques soles, un homard bleu particulièrement ventru fait sensation. « Mais j’aurai toujours un faible pour les pinces de crabe. Dix minutes dans l’eau bouillante suffisent à mon bonheur », explique Gérard. Habitué du marché aux aubettes, le Calaisien n’en vante pas que la fraîcheur. Pour ce retraité bon teint, le quai de la Colonne est un bastion, « l’un des derniers endroits où l’on échange sur les traditions maritimes. » Parfois avec le marin-pêcheur en personne. « Nous avons un bon capital sympathie. Les gens ont conscience des difficultés du métier. Les horaires, les conditions météo, le danger », souligne Josse. Dans cette période tourmentée, la présence des aubettes est une vigie réconfortante pour le consommateur.
La mer, surprise permanente
À une vingtaine de mètres, Sandie Lapotre ajoute un argument de taille : le coût. Dans son aubette dite le Battant, les soles sont vendues entre 15 et 30 € le kilo et les carrelets à 5 € le kilo. Pour ce même prix, elle peut couper les têtes mais n’a pas le droit de lever les filets. Ce geste est réservé aux poissonniers. Car Sandie est artisan-pêcheur. Et ce depuis 2011. Malgré toute son expérience, elle ne peut jamais deviner ce que son mari Johnny lui ramènera. « C’est une surprise permanente. Tout ce que je peux dire, c’est que les poissons ne passent pas plus de deux jours sous l’aubette. » Ce qu’elle dit aussi, c’est que la diversité de nos eaux froides est victime de la surpêche. Hier en abondance, les bars, cabillauds, merlans, turbots et autres barbues ne prospèrent plus aujourd’hui. Si les rares aubettes² sont des vitrines de ce que la mer nous offre, elles sont surtout des indicateurs. S’y rendre, c’est déjà encourager une pêche locale et responsable.
La pêche à pied
Des coques du Crotoy, des moules du Portel et des bigorneaux du cap Gris-Nez. Depuis 1983, Myriam Pont pratique la pêche à pied. Tous les jours, quai de la Colonne à Calais, elle vend et explique sa passion aux clients. Pour cette amoureuse du terroir maritime, la pêche à pied s’inscrit dans le respect de l’environnement. Après avoir goûté des couteaux ou des amandes de mer, vous aurez certainement envie de les pêcher vous-mêmes. Bonne pioche ! Myriam propose des stages découverte.
Pour plus de renseignements : www.lapaysannedesmers.com
(1) Cordage
(2) Seules trois aubettes persistent quai de la Colonne. Toutes portent le nom du bateau qui lui est associé : le Mirlou, le Battant et le Saint-Marin.
Les aubettes de Calais, ouvertes du mardi au samedi, de 9h à 13 h, quai de la Colonne à Calais.
D’autres Aubettes en région : Dunkerque, Boulogne-sur-Mer, Etaples, Le Crotoy.
Texte Joffrey Levalleux, extrait du magazine « Parlons saisons » n°21
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