Fin juillet 2025. Ciel clément. Légère brise. Pas de précipitation annoncée. Malgré cela, Christophe Lefèvre ne triomphe pas. Le bonhomme à la carrure de pilier de rugby a la mémoire amère. La dernière récolte fut un vrai désastre. « Peut-être la pire de toutes », soupire le vigneron. Alors quand il se rend à l'orée de sa parcelle dite des Trois bêtes, il scrute les ceps, l'air de dire mais sans le dire « on n'est à l'abri de rien. Restons vigilants, surtout quand on fait du bio. » Car l'enjeu est de taille.

D'ici un mois, ce coteau de pinot noir d'Azy-sur-Marne donnera les fruits des futurs grands crus Rosé de Saignée et Ancestrale. Taillées en cordon de Royat, ces précieuses vignes incarnent « le must de notre cave. Alors il faut veiller au grain », souligne le viticulteur. En réalité, Christophe n'a pas de préférence. Qu'il s'agisse des Planches, la plus ancienne de ses parcelles (92 ans), de pieds d'Aby tout juste plantés ou de ses 350 m2de pinot meunier (sa plus petite division), il reste aux aguets. « Le raisin est un produit noble qu'il faut respecter en toute saison, des vendanges à la coupe. » Foi de double Sécateur d'Or.

L'amour de la terre et la préservation de l'environnement. Ces mots reviennent sans cesse dans la bouche de Christophe Lefèvre. Il faut dire qu'il a une sacrée ascendance. Petit-fils de Jules Lefèvre, humble agriculteurviticulteur qui épousa Eugénie Gaillard, issue d'une illustre famille de viticulteurs bien connue à Bonneil, le bonhomme n'a rien du parachuté. Mais le grand saut s'est fait attendre.

Neuvième d'une fratrie de dix, Christophe se destinait à la mécanique agricole avant de se faire définitivement agrapper par sa passion. Décidé à mettre en ordre de bataille les trois éléments indispensables à toute réussite - terre, technique et envie - il ne souhaitait qu'une chose : « élaborer mon vin de A à Z. Planter, récolter, mettre en bouteille et vendre. A l'époque, je labourais ma vigne avec un cheval. J'étais le seul fou qui binait, se remémore le vigneron. Je faisais déjà de l'agriculture biologique sans le savoir. » Depuis trente ans, sans prosélytisme, Christophe Lefèvre élève ses vins dans des cuves en inox, dans des foudres, des fûts et mêmes des amphores. L'hiver, il procède à une fermentation malolactique naturelle en évitant les apports de dioxyde de soufre. Les vins, toujours soutirés à la lune descendante, ne sont ni passés au froid ni filtrés. Ils seront commercialisés à 3 ans de la vendange et minimum 6 mois après le dégorgement. Et savourés pendant des heures.

Texte : Joffrey Levalleux

Photos et vidéo : Imagiterre/Frédéric Roumegère

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