Ce n’est pas un mirage. Au détour d’une route de l’Avesnois, un troupeau de dromadaires paisse la verte prairie. Un peu plus loin, des bœufs Yakuzi et des lamas complètent cet impromptu décor :bienvenue dans l'Arche de Job, Julien de son prénom. Un oiseau rare au pedigree atypique. Tout jeune, il crée une entreprise de négoce et de vente d’animaux, JACO. Les apparitions de bêtes à poils dans les émissions de Dechavanne ou dans la « Ferme Célébrités », c’est lui.
En 2008, une opportunité inattendue s’offre à lui : l’importation en Europe d’un troupeau de 40 chameaux depuis la Russie. Il décide d’en garder un, marquant ainsi le début de ce qui deviendra le plus grand troupeau de chameaux ch’tis, avec aujourd'hui 80 têtes. En 2015, il crée l’association La Camélerie, dans le but de faire connaître cet animal fascinant et de partager son amour pour « ces gros poilus. »
La bosse de l'innovation
Ils sont seulement une petite dizaine en France à avoir un projet agricole avec des chameaux, qu’il s’agisse d’éco-pâturage, d’agritourisme ou de création de produits laitiers. Pourtant, « le chameau, c’est un animal fantastique qui rentre dans 4 millions de cases », raconte Julien.
La Camélerie est actuellement le seul élevage français à avoir obtenu en juin 2023 l'agrément européen pour commercialiser son lait auprès des consommateurs. Et ce fut une longue traversée du désert pour Julien et Alban, son compagnon. Des années de lutte et des trésors d’ingéniosité déployés pour ouvrir une nouvelle filière agricole, Cameline, au Ministère de l’Agriculture, étudier les propriétés du lait de chamelles dans le cadre d’un programme européen du CIRAD (1), ou encore créer une salle de traite sur-mesure.
(1) Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement
LE LAIT EN VAUT LA CHAMELLE
« Les chamelles, c'est un tout autre monde comparé aux vaches », explique Julien. « Elles n'ont des chaleurs que si elles sont stimulées, il faut attendre 4 ans avant qu'elles aient leur premier petit, la gestation dure 13 mois, et impossible de les traire sans leur petit à leurs côtés ! »Autant dire que pour récupérer la moitié des 5 litres (2) que ses 10 chamelles produisent par jour, il faut s’accrocher.
Mais au prix de 17 € le litre, ce lait est une manne et pas seulement pour des raisons économiques. « Le lait de chamelle est un trésor nutritionnel », confirme Julien. « Il est non seulement moins gras, moins allergène et plus facile à digérer que le lait de vache, mais il est aussi riche en anticorps, que l'on étudie pour leurs effets potentiels sur les tumeurs cancéreuses et le diabète. » Avec une telle richesse, Julien ne s’est pas arrêté là : il transforme ce précieux lait en fromage et a déjà créé deux spécialités originales. A un prix de 200 ou 300 €/kg c’est un marché de niche plutôt réservé aux intolérants au lactose. Le premier, La Bosse des Fagnes, est un fromage de type Saint-Marcellin, tandis que le second est un fromage inspiré du Halloumi (3). « L’ONU a placé l'année 2024 sous le signe des camélidés et la FAO (4) a reconnu le lait de chamelles comme un superaliment » complète Julien. Le Maroilles n’a qu’à bien se tenir…
(2) C’est 30 litres en moyenne pour une vache
(3) Un fromage originaire de l'île de Chypre
(4) Food and Agriculture Organization of the United Nations
Texte : Joffrey Levalleux
Photos : Imagiterre



A savoir
La Camélerie, c’est tout un univers dédié à la découverte, au bien-être, et à la passion pour les chameaux, avant même d’être une ferme laitière. Des balades à dos de chameaux et des soirées orientales sont proposées. La Camélerie développe également la « camelothérapie », une approche novatrice de la médiation animale avec les chameaux. De nature à la fois douce et curieuse, leur contact apaisant et leur caractère rassurant favorisent des interactions positives, et aident à développer la confiance en soi, et à améliorer son bien-être émotionnel. Cet animal, c’est tout sauf un chameau !