PARLONS SAISONS ! Édition printemps - été 2024 / n°25

Cultiver ce qu’on sème à la ferme épicerie d’Heygère

En dix ans, toutes ses cultures sont passées en bio. A Wacquemoulin dans l’Oise, Pascal d’Heygère poursuit un rêve de gosse. Celui de vivre en harmonie avec la nature. Dans son sillon, sa fille Lucie en fait une réalité en portant haut les valeurs du bien manger.

Le bio rend la dignité

Elle se perd dans les plis de la main tellement elle est minuscule. A peine un demimillimètre de diamètre. Petite mais sacrément costaude. Car la graine de caméline possède des vertus non proportionnelles à sa taille. Bourrée d’oméga 3 et 6 et de vitamine E, celle qu’on surnomme lin bâtard est antioxydante, bonne pour la circulation sanguine et un rempart contre le cholestérol « à raison d’une cuillère à café par semaine. »

Car depuis quelques années, Pascal d’Heygère la transforme en huile certifiée bio. Un défi ? Non, plutôt un rêve enfoui, celui de « redonner de la dignité à la nature .» Depuis dix ans, ce fils d’exploitant agricole « redevenu paysan » a dit adieu aux schémas conventionnels. « Je me suis enfin débarrassé de ce sac-à-dos plein de pierres qui m’empêchait d’avancer » La métaphore vaut un long discours. Autant dire qu’aujourd’hui, ses 80 hectares de culture 100 % bio (blé, maïs, luzerne, petit épeautre, pommes de terre) situés aux alentours de sa ferme de Wacquemoulin à 30 kilomètres au nord-ouest de Compiègne (Oise) lui redonnent des ailes.

Aimer la nature

Mardi 25 mars 2024. Pascal vient de semer 5 hectares d’un mélange blé/lentille verte. « La lentille a des vrilles au bout des feuilles qui l’aident à s’enrouler. Le blé est son tuteur. » Au plus fort de l’été, Pascal récoltera pas moins de 30 hectares de légumineuses. Des vertes, des noires (béluga), des blondes ainsi que des lentilles corail (lentillons décortiqués). Chez lui, pas de traitement, pas d’engrais mais une vigilance paternelle. Si une grande majorité de la récolte prendra le chemin de la coopérative bio, une petite quantité sera conditionnée pour la vente directe (cf. ci-dessous).

Comme le souligne sa fille Lucie, le B to C permet de « valoriser nos méthodes de travail, d’installer un climat de confiance entre le producteur et le consommateur. » Ingénieure-paysagiste formée à Blois, Lucie a passé quatre ans en Norvège avant de se rendre compte de la valeur de la ferme familiale. « Le lien, c’est le paysage. Quand on se lance dans le bio, on quitte la monoculture. Pour ma part, j’ai érigé des haies d’aubépine, planté des noisetiers, des cornouillers. Et surtout, on le fait pour le long terme. L’équilibre naturel et la biodiversité sont aux antipodes de la précipitation. »Il n’y a qu’à y aller pour s’en rendre compte.

Texte : Joffrey Levalleux

Photo et vidéo : Imagiterre

LENTILLES DE CONTACT

« Farm to fork ». De la ferme à l’assiette. L’expression, qui a fait le tour du monde, est passée par Wacquemoulin en 2021. Tenue par Lucie d’Heygère, la boutique-épicerie est un peu le porteétendard d’une éthique alimentaire. Au fil des semaines, elle est même devenue une formidable ambassadrice du bien manger. De l’aveu des clients, le goût et la texture des lentilles et autres huiles bio sont incomparables. Et on ne vous parle même pas des confitures bio maison. Pour couronner le tout, Lucie prend le temps de partager ses recettes. Et si vous n’habitez pas dans les parages, sachez que les produits de la ferme d’Heygère sont présents en points de vente (1) et que certains restaurateurs bien intentionnés (l’Auberge Les Tilleuls à Heilles, le Quai à Amiens) les mettent à leur carte.

51) Épicerie l’Authentique à Clermont (Oise), Boucherie Neuvilloise à La Neuville-Roy (Oise), Les Engagés à Lamorlaye (Oise), la Boîte à Bio à Amiens (Somme).