« L’endive m’a fait naître, mourir et renaître », sourit Dominique Carlier, avec philosophie, en épluchant, patiemment, les endives tout juste récoltées. À la Ferme du Château à Camphin-en-Pévèle près de Lille, il en cultive depuis 1976. D’ailleurs ici, on est dans le fief de l’endive, « presque tous les habitants du village en cultivaient, même le curé pour sa consommation personnelle ! », raconte-il malicieux. Pourtant la filière a traversé bien des crises. « En 1992, on est passé à la production en salle. Puis l’endive s’est effondrée : elle ne valait plus rien, on a dû arrêter. C’est le Label Rouge qui nous a sauvés ! », poursuit Dominique. La famille Carlier relance alors la culture en pleine terre dès 2011. « On a été parmi les premiers à livrer à Phalempin sous Label Rouge », se souvient Adrien, son fils, qui travaille sur l’exploitation familiale avec son frère Maxime et leur mère Marzenna. La famille produit en moyenne 40 tonnes par saison.

Que garantit le Label Rouge ? « La culture traditionnelle, qui sanctuarise notre savoir-faire, la texture croquante, et une meilleur conservation », résume Adrien. Car l’endive est plus exigeante qu’il n’y paraît. Sa culture se déroule en deux temps, comme une valse lente. La culture de l’endive de pleine terre commence par une première étape : la production d’une racine, semée au printemps, arrachée l’hiver venu, puis stockée dans de grands frigos. Vient ensuite le forçage en pleine terre. Les racines sont rassemblées, transportées en caisses jusque dans les champs, puis repiquées une à une. « Et ça pèse lourd ! » souligne Adrien. Sous un abri de tôle recouvert de paille, les agriculteurs les disposent soigneusement en couches. Une fois la racine installée, elle doit reformer ses radicelles dans la terre. Alors seulement, on déclenche la pousse : il faut chauffer à 18 °C et surtout maintenir l’obscurité totale, faute de quoi l’endive verdit.

Lorsque la bâche protectrice est soulevée, l’émerveillement est intact : blancheur éclatante, délicatesse, générosité. Après 20 à 25 jours, vient le moment de la « casse » : l’endive est délicatement séparée de sa racine, d’un geste sec et précis. « Une endive, ça ne se cueille pas, ça se casse », insiste Adrien avec un sourire. Ce petit « tac » net, ancestral, est le même que réalisaient déjà son père, son grand-père et toutes les générations avant lui.

Texte et photos : Claire Decraene